Richard avait élu domicile au Colisée depuis maintenant 1 semaine. Il louait une petite chambre dans une auberge près du centre du village, où il dormait très mal à cause d'un lit plein de puces et du boucan infernal que faisaient la nuit les habitués du bar du Pari situé non loin.

Aujourd'hui et comme les 3 prochains jours, le Colisée était noir de monde. Et pour cause, c'était le jour du grand tournois annuel des gladiateurs qui accueillait les plus grands groupes d'esclavagistes de toutes les Terres Désolées.
Les rues du village étaient bariolées de multiples couleurs, de fanions et d'étendards représentant les différentes "écuries".
Des milliers de spectateurs avaient fait le déplacement, attirants dans leur orbite une foule de marchands, de danseurs et d'acteurs voulant profiter de cette grande concentration de population pour faire fortune.
Tout le Colisée était en fête, de la musique résonnait dans les ruines du stade, accompagnait d'acrobates, de cracheurs de feu et de danseuses. Des bardes chantaient leurs poèmes, des marchands criaient les vertus de leurs produits, des prostituées proposaient leurs services à tous les passants. On y retrouvait tout un mélange de peuples et de cultures différentes, du bon parisien de la Commune, au paysan Cotentinais ou au marchand de la Nouvelle-Reims.

Richard avait profité de la matinée pour assister à un combat du haut des tribunes. Plusieurs gladiateurs s'étaient affrontés sous ses yeux et ceux des centaines d'autres supporters qui criaient à tue tête, chantaient et parfois se battaient entre eux. Le médecin avait osé parier quelques francs sur un combattant, mais avait rapidement regretté lorsqu'il le vit se faire embrocher par la lance d'un de ses adversaires.
Dépité, il avait quitté l'arène avant d'entendre un homme richement vêtu disant avoir besoin d'un médecin. Naturellement, Richard avait proposé ses services et l'homme l'avait emmené dans les coulisses des gladiateurs, derrière l'arène.
C'est alors que le médecin aperçu un homme grand et sec, un homme au yeux bleu qu'il n'avait pas revu depuis des années.

« Alphonse ? C'est toi ? »

J'avale cul sec mon verre de whisky, à la gloire du splendide enculé qui m'a empoisonné mes combattants, comme si cette guigne ne suffisait pas j'ai aussi le riche mécène qui voulait avoir de bons gladiateurs qui va me tomber dessus quand je lui dirais que c'est impossible de les traîner au combat et d'en faire un bon divertissement. J'avais cinq gars forts comme des chevaux de courses, prêts à en découdre, et la ils sont en train de rendre tripes et boyaux dans les fosses d'aisances comme des grands mères en fin de vie. L'idée de massacrer le responsable de tout cela m'est sympathique, mais en l'absence de noms je vais devoir passer mes envies de meurtre ailleurs.
Dieu merci le patron est parti chercher un médecin, au moins nous serons deux à lui annoncer que nous ne pouvons pas faire combattre nos poulains. Ce sera ça de pris, monsieur Pore est parfois entêté quand il le veut, et une personne en plus ne sera pas de trop pour temporiser.
Puis j'entends une voix familière, quoi que lointaine dans mon esprit. Je me retourne.

-Oui c'est moi. La mémoire me revient. Salut Richard,
ça fait un bail depuis... Combien de temps ? Dix ans? Depuis qu'on s'est plus revu. Que je lâche en lui souriant, conscient de mon certain manque de tact.

Je m'approche de lui pour lui serrer la main ; ce n'est pas parce que c'est des retrouvailles qu'il faut en oublier les bonnes manières.

-Alors c'est toi le toubib que mon patron a trouvé pour soigner nos combattants?
J'espère que t'es doué.

Entre ceux qui se tiennent le ventre en rendant leur déjeuner et ceux qui sont fiévreux j'ai pas fini de me poser des questions sur ce qu'ils ont mangé et sur ce qu'on aurait pu leur administré à leur insu : les tricheurs sont nombreux, et les parieurs prêts à tout pour gagner leur mise encore plus nombreux.

Alphonse avait bien changé. Tout comme Richard, il était marqué par les Terres Désolées.
A sa vue, un tas de souvenirs remontant à la mémoire du médecin, l'époque où il était infirmiers militaires dans la FNF.
Richard ne pouvait pas s'empêcher d'afficher un large sourire.

« Ne t'inquiète pas Alphonse, je me suis améliorer depuis l'armée. Je suis plus qu'un simple infirmier maintenant.
Ça fait plaisir de te revoir. »

Un bruit de pétard fit revenir Richard à la réalité. Il provenait du public qui fêtait la fin d'un combat, en criant, scandant le nom du gladiateur survivants. Dans les coulisses, le son de la fête était un peu étouffait.
Richard observa autour de lui. Il y avait 5 hommes mal en point, tous des gladiateurs.

« Je vois ton problème. Alors comme ça tu t'es reconverti dans l'esclavage ?
Pourquoi tu as quitté l'armée ? Je t'aurai bien vu y faire carrière, tu étais bien plus doué que moi. »

La position de Richard sur l'esclavage était paradoxale. Il trouvait ce commerce immoral, mais ni l'Eglise ni la Commune ne condamnaient le trafic d'êtres humains. Il avait apprit à l'accepter, l'esclavage faisait parti de la société, c'était une strate de la population en dessous de tout.
Tant qu'ils étaient bien traités, le médecin ne voyait pas de problème et tolérait les esclaves.
Pour le coup, les gladiateurs étaient des esclaves privilégiés, tant qu'ils ne mourraient pas dans l'arène. Ils étaient nourris et dorlotés par leurs maîtres, comme de précieux chevaux de courses.
Richard s'approcha de l'un des combattants.

« Monsieur, vous m'entendez ? »

Il ne répondit que par un râle de douleur. Il était plié en deux, en tenant le ventre en gémissant.

« Vous avez mal au ventre ?
- O... oui... arg ! J'ai mal ! »

Les quatre autres étaient dans le même état.
Richard sortit son matériel et prit les constantes vitales d'un premier patient, sa tension, sa températures, sa fréquence cardiaque et respiratoire.
Il fit de même à un autre et constata les mêmes résultats.
Le médecin revint vers Alphonse pour lui expliquer la situation.

« Vos 5 gars présentent les mêmes symptômes. Ça ne peut vouloir dire qu'une chose : une intoxication.
Vous savez ce qu'ils ont mangé dernièrement ?
Au vu des symptômes, je suis prêt à parier qu'il s'agit d'une irradiation. On a dû leur faire manger de la météoride pure. Si on les laisse comme ça ils vont finir en mutants.
Il faut les mettre sous antiradions, pour faire baisser le taux de radiation. S'il est déjà trop élevé il va peut être falloir les rapatrier vers l'hôpital de la Commune ou de Notre Dame pour suivre une cure. »

Richard resta un moment dans ses pensées pour réfléchir à la situation.

« Hum... la météoride pure ce n'est pas anodin. C'est certainement une intox volontaire. Tu as des ennemis qui participent au tournois ? »

Richard, quand il était dans l'armée il était infirmier? Juste infirmier? J'ai du mal à y croire, je le considérai déjà comme un mec doué en médecine déjà à l'époque, sans doutes parce que c'était celui qui nous rafistolait le plus souvent. A force de se faire refermer par le même gars j'ai du finir par m'habituer et développer une certaine affection pour lui, en tout amitié bien sûr.
Il me fait un sourire, moi aussi, ça fait plaisir de le revoir.
Puis ensuite les vieilles questions classiques qui suivent à chaque fois qu'on constate ce que je suis devenu : j'hausse les épaules avant de répondre, je commence à avoir l'habitude et lui n'a pas l'air de me juger contrairement à d'autres anciens de l'unité.

-Moins de risques, plus de bénéfices. Je suis marié, j'aimerais bien voir mes enfants grandir quand j'en aurais, et toi? Qu'est-ce qui t'as poussé à devenir médecin à ton compte?

Il ausculte les gladiateurs, je me pose sur un banc en attendant le résultat de son analyse et croise les doigts pour que ce ne soit pas trop grave, autant pour des raisons pécuniaires qu'humaines : tomber malade de nos jours quand on est pas citoyen de la Commune c'est un coup à mourir, c'est toujours moche de voir des gars bien mourir, et aussi parce que ça coûte de l'argent ne nous le cachons pas. Si j'étais si humaniste que ça, je serais resté dans l'armée.
Richard sort son bardas de médecin : des instruments que je connais relativement bien pour les avoir eu dans le fondement, putain qu'est-ce que je déteste les thermomètres, d'autres que je ne connais que de nom et des choses dont je ne soupçonnais même pas l'existence. Au bout d'un moment, le constat devient clair et mon ancien collègue vient vers moi et m'annonce qu'ils ont été empoisonné.
Pas n'importe comment en plus : une belle irradiation des familles, le genre de chose dont on se remet difficilement, ça ne va pas plaire au boss ça. M'enfin, on ne va pas abandonner nos gladiateurs parce qu'ils ne sont plus bons à rien le temps d'un combat hein?
Richard suggère la thèse de l'empoisonnement. Ma figure se fige quand il m'annonce ça.

-Moi personnellement? Non je n'aie pas d'ennemis qui participe au tournoi, par contre mon boss oui, sans doutes un paquet. L'hypothèse de l'empoisonnement se tient. Je jette un coup d'oeil à nos convalescents en arrière-fond. Ca coûte cher ce genre de traitement? Je me suis jamais vraiment intéressé à la question parce que je me suis toujours tenu à l'écart des radiations et des mutants, mais là, voilà quoi... Ca me fout mal à l'aise tout ça. D'ailleurs, manier de la météoride comme ça ne laisse pas des séquelles? Ceux qui ont dû faire ça, ils dont pu quand même prendre un peu cher non? Il n'y a pas un moyen de les distinguer de la masse grâce à ça, nécrose des doigts, petite mine, ça doit marquer non?